Description
Il y a plus de 90 épaves dans ce livre, des belles et des moins belles, des grandes et des toutes petites, des dangereuses, des mystérieuses. Nous en avons raclé des sites, souvent hostiles, souvent profonds, voire déraisonnables, pour offrir un tel échantillonnage, et cela, avec des fortunes diverses, depuis plus de quarante ans, entre Cousteau-Gaignan modèle 1945 et recycleur d’ultime technologie !
Remercions les deux générations de plongeurs amis qui nous ont fourni amers secrets, photographies, anecdotes susurrées en fond de cale !
Bien sûr, quelques tôles nous ont certainement échappé, en particulier dans l’immense cimetière de la rade nord. Et beaucoup d’épaves demeurent sans nom, sans carrière, sans histoire… Leur monographie a au moins le mérite d’exister, elle sera le point de départ de vos futures investigations !
À vous donc de continuer, ou tout simplement d’utiliser l’ouvrage en prenant votre temps, et surtout, d’éprouver du plaisir à découvrir les « 90 ÉPAVES A MARSEILLE ».
Autant de plaisir que celui que nous ont procuré les quelques centaines de plongées magnifiques, au sein d’un environnement dense, varié, clair, sinon le plus souvent limpide.
Préface
Préface et avertissement pour les lecteurs
« Parmi les trésors que l’ami Jean-Pierre Joncheray conserve précieusement dans son cabinet de travail, entre les amphores et les reliques d’épaves modernes, sommeillent des piles de vieilles revues.
Les numéros introuvables de l’Aventure sous-marine, Plongées et Océans voisinent, bien reliés par années, et leurs pages jaunies retracent l’histoire de la plongée, depuis l’époque des mistralaupithèques jusqu’aux nouveaux plongeurs « hi.teks ».
En les feuilletant un soir, après un dîner bien arrosé, je suis tombé sur un vieil article d’Océans datant des années 1970 (ndlr : numéro 26, octobre 1974 !).
« Allons z’enfants de la poterie », ce titre ronflant, volé à l’ami Jean-Albert Foëx, marquait le début d’une longue amitié avec Jean-Pierre et les prémices de la fulgurante carrière d’un jeune inconscient dans le journalisme subaquatique, car le plumitif palmé qui avait signé cette saga archéohumoristique, c’était moi !…
Aujourd’hui, plus de trente ans ont passé, et, si je reprends la machine à taper sur les mots, c’est pour écrire la préface d’un nouveau livre sur les épaves de la baie de Marseille, pondu par le duo de choc des Joncheray, Anne et Jean-Pierre.
Bien de l’eau a coulé dans le Vieux Port depuis ma première rencontre avec l’ami « JonJon », et je garde encore en mémoire ce très sérieux reportage sur les mystères de l’archéologie sous-marine en Méditerranée. C’était l’époque où les plongeurs archéos rivalisaient d’ingéniosité pour découvrir et déclarer les épaves antiques (si possible juste avant les copains).
Une rivalité toute scientifique, qui parfois se terminait par le sabotage du bateau de l’équipe rivale, et faisait la une de Nice-Matin, car, à l’époque, les cruches romaines ou grecques valaient leur pesant d’or et des petits malins monnayaient leurs trouvailles avec des antiquaires discrets.
J’étais parti en reportage pour tirer au clair ces sombres histoires d’amphores et de plongeurs masqués, et pour commencer mon enquête, j’avais contacté l’expert de la région, le fameux créateur des Cahiers d’archéologie, Jean-Pierre Joncheray. A peine arrivé sur le port de Saint-Raphaël, le fief de Jean-Pierre et de son équipe, j’ai embarqué sur un chalutier miniature pour suivre une fouille. J’ai calé mon sac et mon appareil photo entre les provisions, les bonbonnes de rosé de Provence, les femmes des copains, les enfants des copains, la quémia, l’harrissa et l’anisette, et, surtout, les copains plongeurs. Car, pour JonJon, les copains c’est sacré, indispensable, pour pouvoir rigoler, se disputer, et partager les merguez.
Donc, nous voici partis en mer, cap au large vers une destination mystérieuse, en prospection. Arrivés à quelques milles de la côte, nous tournons en rond à la recherche d’un spot secret. Chacun donne son avis, sort son carnet secret d’alignements, et scrute le littoral nimbé d’une brume matinale qui brouille les cartes.
« Purée de nouzôtres », où est la maison bleue du jardinier qui devrait coller avec le troisième poteau téléphonique, et le toit de la gare, sur la cabane à frites de la plage ? Mais il n’y a plus de cabane, le plagiste est parti, fortune faite, pour la saison d’hiver aux Seychelles.
Plus à droite, non à gauche, par-là, au sud, au nord, arrière, avant ! Jean-Pierre tient la barre et les jumelles, en bon capitaine, impassible. Il serre les dents, scrute le sondeur, et ne se laisse pas impressionner par les avis contradictoires de l’équipage.
Enfin, après quelques derniers ronds dans l’eau, et un début de mutinerie réprimé de main de fer, l’Amiral stoppe le navire, et jette une bouée lestée. « C’est là, j’en suis sûr ! ». Le ton est sans réplique, et chacun s’équipe.
Vingt, trente, quarante mètres, je suis les bulles du Chef, qui pique vers le fond, sans égard pour le représentant de la presse océane. Nous atteignons une plage de vase grise, où quelques posidonies défraîchies achèvent de pourrir. Sinistre vision, assez loin des clichés en couleurs de corail, de mérous, et d’épaves romaines que j’espérais rapporter. Seule une casserole crevée, retournée sur le fond, met une note de gaieté dans ce désert glauque.
Je crains le pire, le reportage-fiasco, la honte, le retour dans les bureaux de la salle de rédaction d’Océans, sous le regard glacial d’Yves Baix, le directeur de cette luxueuse revue internationale, et surtout la crainte de ne pas toucher la pige impériale qui me permettra d’acheter deux nouveaux rouleaux de pellicule, et peut-être un tuba en promo au Vieux Plongeur. Mais la vue de ce site déprimant n’atteint pas le moral des chercheurs. Jean-Pierre, plein d’enthousiasme, se lance comme un chien sur la piste d’un renard. Il file, et, bien sûr, il tombe sur une cruche, une vraie amphore, puis une autre… Avant que j’esquisse la mise au point de mon Rolleimarin, tout disparaît dans un nuage de sable : la vase soulevée dissimule les plongeurs, qui s’activent à fouiller le sédiment.
Enfin un parachute apparaît, gonflé, au bout d’un nylon tendu. Soudain, il décolle en tirant une amphore, encore toute couverte de concrétions. Sans attendre le photographe, celle-ci file vers le ciel liquide, accompagnée par un plongeur. Quel spectacle !
Côté photos, le reportage a été, il faut bien le reconnaître, plutôt raté, mais pour compenser le manque de clichés publiables, j’ai décidé de faire des croquis de cette mémorable expédition, et c’est ainsi que ma carrière d’illustrateur sarcaquastic a commencé.
Au fil des années, j’ai rencontré bien des copains plongeurs. Certains ont bouclé leur sac, comme l’ami Pierre Vogel, qui a terminé sa vie de plongeur par une dernière pirouette, les palmes aux pieds. Cousteau, Tailliez, Le Prieur, et tous les anciens, piratos, pêcheurs, explorateurs, corailleurs des premiers temps doivent bien rigoler en voyant la nouvelle génération de plongeurs diplômés, bardés de gadgets, d’ordinateurs, de triples détendeurs qui, à leur tour, partent à la recherche des épaves.
En un demi-siècle, la poignée de fous palmés, qui avait fait ses premières bulles sur la Côte d’Azur, a donné naissance à des millions de plongeurs qui continuent à poursuivre leurs rêves bleus aux quatre coins de cette planète, appelée la terre par nos aïeux, qui ne plongeaient d’ailleurs pas souvent.
Les champs d’épaves de la belle époque ont disparu. Les amphores ne sont plus des vieux pots de terre que les scaphandriers cassaient sans scrupule, pour récolter les langoustes qui s’y cachaient. Désormais ce sont des pièces archéologiques, donc pas touche, sinon les ennuis pleuvent ! Les temps changent, mon bon Monsieur…
Les cargos ne sautent plus sur les mines allemandes, et les GPS et autres calamités électroniques permettent même aux commandants Sri-lankais de passer au large des écueils. Seules, ces saloperies de pétroliers continuent de couler régulièrement, mais ces tas de ferrailles ne font même pas de belles épaves. Ami plongeur, il faut hélas voir la situation dans toute son horreur, selon CNN et FR3 Provence, il n’y a pas de futures guerres navales à l’horizon (il y a bien eu un petit espoir avec Bush, mais la France n’a pas de champs de pétrole). Soyons clairs, il y a peu de chance d’avoir de beaux naufrages de nos jours, il y a bien le Clémenceau, mais il flotte toujours, donc il faut plonger sur les vieilles épaves du temps passé – et ça tombe bien car ce sont les plus belles – ou alors en trouver des vierges, pas encore repérées.
Voici des années qu’Anne et Jean-Pierre, sans tenir compte des modes et des tout derniers perfectionnements de matériel, poursuivent leurs recherches, parfois à des profondeurs très importantes, dans des coins pas possibles, pour nous trouver de nouveaux vestiges. Ces deux fous consacrent leur temps libre à la recherche des épaves, de leur histoire. Ils fouillent les archives, débusquent les témoins, la photo rare. Rien ne leur échappe, et depuis les cargos et les avions, tout ce qui a coulé excite leur curiosité. Un détendeur Mistral pour Jean-Pierre, un scooter pour Anne, des vieilles combinaisons étanches délavées, le look est très étudié, style « destroy chic ».
C’est ça la classe, et, en plus, ils font partager leurs découvertes. Mais attention, ces deux-là sont dangereux ! Ainsi, depuis ma première rencontre avec Jean-Pierre, j’ai visité bien des épaves, car je suis hélas, moi aussi, victime d’un mal sournois contracté sans doute auprès de ce grand malade, l’épavite aiguë, C ou D.
Alors un bon conseil, ami lecteur. Si vous aimez les week-ends tranquilles, le golf, les supermarchés le samedi, le foot à la télé, il est encore temps, refermez ce livre, brûlez-le, déchirez-le, jetez-le à la mer, ou mieux, offrez-le à un ami à qui vous souhaitez du mal, mais je vous en conjure, par les tables sacrées de la Marine Nationale, n’allez pas plus loin, ne lisez pas une ligne de plus. Croyez-moi mes frères !, en vérité je vous le dis, ce livre est maudit, il va bouleverser votre vie. Les auteurs de ce livre sont des maniaques de la tôle rouillée, des pervers profondément intoxiqués à l’azote sous pression, une drogue dangereuse pour la jeunesse et la vieillesse, surtout au-delà de 90 mètres !
Donc, dernier avertissement : au-delà de cette préface, il n’y aura plus de salut, car ce livre, hélas !, est très bien fait et les auteurs vont vous communiquer leur passion. Bien ! Moi, je vous ai prévenus, alors tant pis pour vous ! Lisez-le, et partez plonger vers les épaves de Marseille, vous avez le choix, il y en a… près de 90. J’arrête là ma préface, car c’est l’heure de ma cure de désintoxication. Je dois aller faire un petit tour sur l’épave d’un trois-mâts coulé dans le coin, pas trop profond, juste à 62 mètres. »
Pace I salute
Dominique Sérafini
Bonaire, juillet 2003.